Alain Bihr
Le crépuscule des Etats-nations : transnationalisation et crispations nationalistes. Lausanne, Page deux, 2000. - coll. Cahiers Libres |
L'hégémonie mondialisée du capital et la globalisation des enjeux semblent, à l'aube du 21e siècle, oblitérer les nationalismes au profit de l'émergence d'une nouvelle forme de souveraineté impériale de dimension planétaire. Pourtant, malgré la constitution d'instances décisionnelles transnationales et malgré l'interdépendance des facteurs socio-économiques, la revendication nationaliste apparaît comme un élément majeur et fortement conflictuelle du paysage politique. On ne peut la réduire à la nostalgie d'une souveraineté perdue ou à une régression idéologique ultra-droitière dans la mesure où la nation apparaît, y compris au sein de la gauche et de l'opinion démocratique, comme le lieu le plus adéquat de souveraineté populaire. Alain Bihr, en sociologue de formation marxiste, analyse de manière critique ce phénomène qu'il replace dans le contexte d'une surdétermination des luttes de classe par le devenir du capitalisme mondialisé.
En se situant à égale distance d'une sublimation nationaliste du peuple et d'une négation de la nation comme fiction idéologique, Alain Bihr 1 reconstruit le concept de nation autour des rapports qu'elle entretient avec le capitalisme. La nation est pour lui une réalité historique qui ne peut donc être comprise qu'en étroite interrelation avec le devenir concret des formations sociales cristallisées en Etats souverains et démocratiques. Constatant la structure paradoxale, à la fois fragmentée, homogénéisée et hiérarchisée du capitalisme industriel, Bihr transpose sur le plan transnational le mode d'interaction propre au capitalisme : l'autonomie et la souveraineté individuelles se reflètent dans les rapports internationaux.
L'homogénéisation planétaire reflète l'anomie sociale résultant de la mise en équivalence généralisée des marchandises, des capitaux et des individus considérés comme force de travail. La standardisation technique, l'hégémonie du modèle occidental de consommation, l'extension des réseaux communicationnels et des flux financiers aboutissent à l'aplatissement des systèmes de représentation et des valeurs aux normes imposées par les groupes sociaux dominants. Cette homogénéisation n'aboutit pas à un égalitarisme, malgré l'interchangeabilité des individus et des fonctions : une hiérarchisation s'installe, aussi bien au niveau national qu'au niveau mondial, insérant les nations dans une structure fortement différenciée sur le plan fonctionnel. La division du travail, et la distribution inégalitaire des ressources et des privilèges, se traduisent sur le plan mondial par des inégalités de développement et des rapports transnationaux de domination s'opérant d'Etat à Etat.
Le mode de gestion fordiste du capitalisme reposait sur une participation active de l'Etat à la production économique et sur une politique keynésienne de redistribution du surplus social à l'échelle nationale, ce qui présupposait une identification des intérêts économiques aux intérêts nationaux, englobant donc le prolétariat dans la sphère d'intérêt propre de l'Etat-nation.
Or nous constatons un processus de transfert de la souveraineté vers des institutions transnationales, soit par le jeu d'alliances politico-militaire, soit par la constitution d'espaces économiques commun à plusieurs Etats. L'autorité de l'Etat central s'érode au profit des collectivités locales et régionales et aboutit parfois à une réelle fragmentation politique. D'autre part la globalisation économique s'accompagne de restructuration des entreprises et d'une exacerbation de la concurrence internationale qui s'avère préjudiciable, globalement, au prolétariat et accentue la fracture sociale.
La nostalgie d'une prospérité perdue - correspondant aux années de forte croissance économique - s'accompagne du sentiment d'une aliénation culturelle, qu'accentue naturellement l'homogénéité planétaire des standards de consommation. Dès lors le repli nationaliste semble constituer une réponse adéquate à cette crise : le retour aux valeurs ancestrales des identités culturelle, ethnique, religieuse et nationale confondues dans une mystique de la patrie conforte les victimes de la précarisation sociale dans une fraternité du sang et du sol étroitement liée à la peur et la haine de l'étranger. L'anti-cosmopolitisme dirigé contre les " élites mondialisées " se transfère sur les victimes migrantes de la mondialisation, stigmatisées comme " menace " culturelle et comme " parasite " économique. Il est en effet plus aisé de reporter ses ressentiments et sa haine sur les populations exclues de la citoyenneté par une politique migratoire taillée à la mesure des intérêts du patronat que d'affronter directement les causes socio-économiques réelles de la fracture sociale.
Qu'il soit de droite ou de gauche, le nationalisme ne peut subsister sociologiquement en dehors de la construction idéologique d'une conscience nationale sans laquelle la cohésion du bloc inter-classe qu'elle tend à forger resterait lettre morte. La constitution d'une nation repose cependant sur des conditions objectives où prend naturellement place au premier rang la réalité géopolitique de l'Etat. L'Etat joue le rôle d'une structure d'encadrement des activités économiques et est un facteur essentiel de coordination et de cohésion interne. Mais il agit aussi comme outil de médiation dans les rapports internationaux. L'unité juridique et politique, la souveraineté politique, et l'intégrité territoriale sont les conditions requises de l'existence de l'Etat et constituent les soubassements de l'idée de nation. Cependant, une conscience nationale peut exister sans Etat, soit qu'elle se constitue en opposition à une domination étrangère ou impériale, soit qu'elle se manifeste comme l'aspiration à une nation d'un peuple culturellement ou sociologiquement marginalisé, soit qu'elle persiste sous le mode nostalgique au sein d'un peuple exilé ou dispersé.
En fait, la nation est un processus historique qui touche une société entière en déterminant la conscience qu'elle a d'elle-même. Des éléments objectifs et subjectifs déterminent le passage du peuple à une nation : une histoire commune, c'est-à-dire une somme d'expérience historique partagée par une collectivité ; une géographie propice à l'unification économique, et politico-militaire ; une culture commune et une volonté d'unification juridique... cependant, l'existence d'Etats multiculturels et linguistiquement hétérogène montre qu'une nation peut se forger sur un terreau social diversifié. La multiculturalisme cependant rend l'idée de nation problématique et paradoxale, non pas qu'il faille en réduire le concept à la dimension ethnique, mais parce que ce type de situation requiert, si l'on veut éviter l'éclatement politique, des solutions volontaristes appropriées.
Alain Bihr affirme non sans raison qu'il n'y a pas de nation sans nationalisme. On peut dire que la nation est une structure politique émergeant d'une conscience collective " pour soi " qui implique la sacralisation de l'espace géographique et sociologique sur lequel se construit un destin partagé. Nous avons dans le nationalisme la construction d'un mythe moderne, celui d'une rationalité émergente qui s'imposerait comme force autonome à la fois à la conscience collective intérieure mais aussi au reste du monde. Les Etats surgissent comme des " personnes morales " agissant souverainement selon leur propre logique. Cette autonomie présuppose de la part du pouvoir politique de garantir le droit en possédant le monopole de la force légitime ; elle suppose aussi la construction de l'idée de nation comme instituant méta-historique, dégageant la nation de l'histoire concrète pour en faire un " sujet collectif éternel " souvent rattaché à des déterminations " naturelles " aboutissant à une identification raciste de la nation. La Terre devient elle-même sacrée, quadrillée par les lieux de commémoration des événements dramatiques supposées marquer les étapes décisives de la construction de l'unité nationale ; la " Patrie " devient le lieu de séjour des Héros, elle est le terreau d'incubation des " autochtones ", du peuple originaire et authentique qui détient seule la légitimité de la possession du lieu. Ainsi toute nation se construit sur une dichotomie entre le soi et l'autre, entre l'indigène et l'étranger ; en prescrivant comme allant de soi l'homogénéité du peuple et de sa culture, le nationalisme est conduit inévitablement à rejeter ceux qui viennent d'ailleurs, et quand il se montre hospitalier et protecteur, c'est en prenant soin de marquer sans équivoque la différence statutaire entre l'hôte et l'invité.
Ce fétichisme de l'identité et de l'unité nationales répond au besoin psychologique de définir sans ambiguïté la frontière entre soi et autrui mais n'aboutit pas nécessairement à une conception fermée de la nation. Loin de décrire la nation comme " une communauté naturelle ", le nationalisme progressiste s'attache à représenter la nation comme une communauté d'élection, conventionnelle, unie par le contrat social et matérialisant sa souveraineté par des institutions démocratiques et républicaines. Cette conception permet une intégration culturelle et l'assimilation de l'étranger. La nation se conçoit alors comme le cadre du dépassement des subjectivités ethniques, régionalistes ou locales et se considère comme une forme universelle de structuration politique. La nation joue, dans la modernité, le rôle d'un mythe structurant le projet démocratique : la volonté du peuple se concrétise par et dans la nation et la défense de cette dernière se confond avec celle d'un peuple abstrait de sa réalité concrète. Car l'identification nationale du peuple oblitère toute autre forme d'identification et en particulier la conscience de classe. Cependant, la solidarité internationaliste du prolétariat ne saurait, sans risquer de glisser dans le vide d'un humanitarisme creux, faire l'économie de la réalité nationale comme cadre et forme spécifique d'une lutte politique. En effet, tant l'héritage historique et culturel que la structuration étatique propre à chaque nation déterminent la forme de l'action politique et des luttes sociales.
La détermination nationaliste altère cependant la perception des luttes, et impose souvent une lecture géopolitique de la conflictualité sociale. Du point de vue de la nation émancipée, la solidarité internationaliste se confond avec la défense des intérêts nationaux afin de " consolider les acquis révolutionnaires " d'une nation qui se pose, dès lors, en modèle et avant-garde des luttes révolutionnaires mondiales. D'autre part, l'extension des luttes révolutionnaires est perçue, tant par les protagonistes que par les adversaires, comme une forme plus ou moins voilée d'impérialisme dissimulant sous le masque d'une solidarité émancipatrice une volonté expansionniste ou dominatrice. En fin de compte, le nationalisme opacifie les luttes sociales en les surdéterminant par des intérêts géopolitiques qui, d'une part brise la solidarité de classe sur un plan international et d'autre part subordonne l'intérêt du prolétariat aux intérêts de la nation.
Sur le plan géopolitique, les contradictions internes sont interprétées par les groupes dominants comme le fruit d'une rivalité inter-étatique, la subversion se banalise en trahison, les révolutionnaires deviennent des agents de l'étranger, des espions, des marionnettes manipulées de l'extérieur. Tout conflit social est interprété comme la conséquence de manoeuvres internationales de sorte que la lisibilité des luttes s'en trouve altérée à mesure de l'établissement de liens internationaux de solidarité confondant l'intérêt géopolitique des nations " émancipées " avec celui des classes dominées. Dans un camp comme dans l'autre, le nationalisme oblitère la lutte de classe et empêche son extension planétaire. Cependant, il ne faut pas mal interpréter la dimension nationaliste des mouvements d'émancipation dans la mesure où, dans le contexte du colonialisme, l'exploitation capitaliste se confondait structurellement avec une domination étrangère. Cependant la simple libération politique nationale, s'il était considéré comme la condition et le préalable d'une lutte prolétarienne, ne pouvait à elle seule dégager les peuples des liens de subordination économique tissées par-delà les frontières étatiques et en dehors des structures d'état. La globalisation économique rend définitivement caduque toute velléité d'indépendance nationale qui ne serait pas accompagnée d'une stricte - et impossible - autarcie économique. En effet, l'interdépendance des nations ne se réduit plus, comme auparavant, à une internationalisation des échanges économiques menées par la société civile dans le cadre d'Etats souverains et autonomes, elle ne se ramène pas non plus à la domination impériale ou coloniale exercée unilatéralement par les pays industrialisés ... la globalisation économique et la mondialisation des enjeux se sont accompagnées de processus de transferts de souveraineté vers des instances issues de conventions régionales ou vers des institutions internationales supposées réguler les rapports entre nations. La création d'un pouvoir mondialisé, d'une souveraineté étrangère à la volonté des peuples et agissant en fonction de l'intérêt propre des Etats membres, entraîne un important déficit de démocratie qui résulte pour une part, de la non représentativité de la société civile, et d'autre part, d'un mode de répartition des pouvoirs, au sein des instances internationales, donnant clairement avantage aux nations dominantes sur les plans politique, militaire et économique. Contrairement aux formes de domination coloniales et impérialistes du 19e et du 20e siècles, la " mondialisation " affaiblit la souveraineté des anciennes métropoles au profit d'une oligarchie de plus en plus réduite. Une telle situation n'abolit cependant pas la domination des états impériaux, mais ces derniers ne peuvent concevoir leur politique sans prendre en compte l'intérêt propre de leurs partenaires, et sans se confronter à la concurrence d'autres régions géopolitiques.
Pour comprendre la situation engendrée par la mondialisation, une analyse fouillée du processus reste indispensable, analyse qui prend en considération la transformation profonde du tissu économique et son incidence dans les rapports sociaux, l'impact de la mondialisation des échanges sur le plan culturel et de la souveraineté politique, la transformation du rapport de force géopolitique consécutive à l'effondrement du bloc soviétique et l'émergence concomitantes de nouveaux pôles stratégiques - l'Asie du sud-est, Moyen-Orient - structurant le monde de manière multipolaire, l'apparition de nouvelles forces politiques et sociales transnationales, certaines ouvertes et socialement acceptées comme les églises et mouvements religieux, d'autres occultes et criminelles, telles les mafias internationales.
De manière très large, on peut brosser le tableau d'une déstructuration profonde du tissu social sur fond d'un déficit démocratique et d'une crise globale des nations dont la souveraineté s'effrite au profits d'acteurs transnationaux incontrôlables par les peuples. D'autre part, apparaissent de nouvelles formes d'identité sociale qui ébranlent les relations classiques par la multiplication de sub-cultures marginales, mouvantes et réifiées en tant que segment de marchés. Ces déstructurations identitaires démantèlent les allégeances sociales et politiques traditionnelles, créant un vide sociétal que l'exacerbation de l'identité nationaliste et ethnique tente de combler sans y parvenir.
Nous assistons donc à l'englobement progressif des Etats par des pouvoirs politiques plus larges, à l'émergence dans la société civile de pouvoirs (économiques ou méta-politiques) étrangers aux intérêts nationaux et capable de subordonner ceux-ci à une rationalité économique d'ordre planétaire. Cette érosion " par le haut ", s' ajoute la fragmentation de la conscience nationale sous les divers registres des identités ethniques, communautaires, linguistiques, religieuses en même temps que se délitent les liens de solidarité sociale, laissant l'individu livré à lui-même et à l'insidieuse emprise des marchands.
Si nous examinons le processus en cours depuis trois décennies, nous constatons qu'à travers la crise de l'Etat, qui touche non seulement la fonctionnalité de l'Etat gestionnaire du capitalisme, non seulement l'efficacité économique des politiques keynésiennes face à la globalisation économique, mais aussi la légitimité des institutions elles-mêmes lorsqu'elles démontrent l'incapacité de garantir le bien-être, la sécurité ou la liberté des citoyens. Nous assistons à un double transfert de souveraineté, un processus paradoxal où en même temps que l'Etat voit ses prérogatives s'éroder au profit d'instances fonctionnelles supranationales, les peuples recherchent dans des structures infra-nationales les instruments lui permettant de concrétiser son autonomie. Mais celle-ci s'avère illusoire en raison précisément de la globalisation des enjeux. En fait, la décentralisation des pouvoirs nationaux accompagne de manière logique la délocalisation des centres de décision économique qui crée, par-delà les frontières nationales, une nouvelle division géographique et économique centrée sur la région. La revendication régionaliste s'exprime sous le mode ethnique ou culturel et cherche à concrétiser l'autonomie régionale par la maîtrise locale des moyens de production.
Alain Bihr replace ces revendications dans le contexte de la trans-nationalisation de l'économie. Pour ce faire, il se livre à une démonstration des contradictions des politiques régionales d'aménagement de territoire et développement. La trans-nationalisation de l'économie est le principal facteur de l'aggravation des inégalités géographiques et socio-économiques entre les régions pôles de développement industriel et les régions avoisinantes, entre la région capitale et la province, entre les métropoles urbaines et les zones rurales, entre les centres urbains et les banlieues périphériques. En effet, la globalisation économique apparaît comme une rupture entre l'activité économique, qui peut se passer, à la faveur du développement du télétravail, de la généralisation de la sous-traitance et du travail intérimaire, de tout lieu de production spécifique, et l'insertion géographique de l'outil de production, privant ainsi les espaces nationaux, mais aussi régionaux, de la maîtrise de l'infrastructure économique. La mobilité, planétaire, des capitaux empêche les acteurs nationaux d'envisager une politique cohérente, à long terme, d'aménagement du territoire : " la déréglementation, spontanée ou volontaire, des marchés nationaux prônée par tels discours, a impliqué tout aussi bien le renoncement à tout contrôle global sur les dynamiques façonnant l'espace français ", affirme A. Bihr, 2. La loi française d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire tentait de corriger cette déstructuration spatiale en instituant un schéma d'aménagement global, à l'échelle nationale, en palliant les disparités régionales par l'octroi de " fonds de corrections de déséquilibres régionaux " et en tentant de revitaliser les zones rurales et périurbaines par l'incitation à l'implantation d'industries. Mais ces dispositifs rencontrent l'obstacle de " corporatismes spatiaux " opposant les régions riches aux régions pauvres et font apparaître une contradiction entre la correction des déséquilibres régionaux et le maintien de la compétitivité internationale des régions riches. Ces contradictions aboutissent à une rivalité des régions exacerbée par la trans-nationalisation de l'économie au point que chaque région se voit amenée à développer sa propre politique de commerce extérieur, cherchant à construire son identité sur ses atouts propres, au détriment de l'intérêt national. Cette situation aboutit tout naturellement à se conformer à la logique du marché mondial en accentuant, en fragmentant les espaces nationaux, la division géographique du travail.
Les contradictions de la politique française de développement régional sont l'écho de la politique européenne en la matière. Les fonds européens jouent un rôle majeur dans l'aide au développement rural octroyée sur la base de programmes directement négociés entre les régions et la commission européenne chargée de la politique régionale. De sorte que Bruxelles s'affirme comme partenaire incontournable de la politique française dans laquelle la compétence de l'Etat français se voit rognée sous la pression conjuguée du capitalisme mondialisé et de l'affirmation des particularismes régionaux. Ces contradictions irrésolues conduisent naturellement à une politique de développement local, intégrant l'ensemble des acteurs économiques et sociaux dans l'utopie d'une maîtrise totale de l'environnement régional. Or cette perspective, séduisante, est contrecarrée par les mécanismes du marché global puisque d'une part, cela suppose, de la part des promoteurs, la promotion à l'échelle transnationales des régions, par l'implantation d'industries à vocation exportatrice et donc fortement dépendante du marché mondial et d'autre part la sujétion politique des régions, dépendantes du financement européen, à des instances transnationales, ce qui induit finalement un désengagement des régions vis-à-vis de l'Etat et à une exacerbation des particularismes locaux favorisée par le pouvoir grandissant de notables se refusant aux mécanismes correctifs de péréquation nationale.
Le repli régionaliste ne peut que conduire à une déstructuration de l'unité nationale et à une fragmentation politique du territoire. Ce processus est quasiment achevé, de manière pacifique, en Belgique où l'on pense actuellement, dans le cadre d'un état fédéral, tri-régional et tri-communautaire, à régionaliser - après les matières culturelles et sociales, après l'enseignement et l'aménagement du territoire - les fiscalités, les procédures électorales et le système de sécurité sociale. La " dé-souveraineté " de la Belgique qui, sans consultation démocratique, s'est engagée résolument dans l'unification européenne et dans le passage à l'euro, et ne maîtrise plus depuis longtemps sa politique de défense, s'en trouverait totalement achevée avec une fracture politique du royaume qu'induirait par exemple une possible victoire électorale du Vlaams Blok, parti séparatiste flamand d'extrême-droite, dont même une minorité de blocage pourrait empêcher efficacement le fonctionnement des institutions fédérales et de la région de Bruxelles. Mais on pourra sans peine relever en Europe d'autres exemples où les disparités régionales sont des facteurs importants de désagrégation nationale, comme en Italie, confrontée au séparatisme lombard.
On ne peut réduire l'idée de nation à celle de territoire, elle est avant tout un pôle d'identification idéologique du peuple à l'Etat censé garantir le droit de tous. Cependant, on pourra déceler, malgré l'identification de la souveraineté populaire à celle de la nation, une tension dès lors que l'idée de nationalisme va nécessairement de pair avec une définition exclusive de la citoyenneté. En effet, l'idée de nation repose sur une démarcation entre la citoyenneté et la non citoyenneté. Dans ses interprétations ethnocentriques, elle se résume à la " loi du sang " qui subordonne la nationalité à une appartenance ethnique ; dans une interprétation territoriale, la " loi du sol " prédomine, accordant la nationalité sur la base d'un ancrage géographique... dans un cas comme dans l'autre, nous restons dans l'arbitraire essentialiste. On peut cependant dire que la conception française de la nation, telle qu'elle s'exprime dans la Constitution, tente de corriger cet essentialisme : la nation est avant tout une construction politique reposant sur l'intégration de peuples, d'ethnies régionales diverses. Cependant, elle tend à nier les disparités culturelles par une politique volontariste d'assimilation qui confine à une sorte de cannibalisme sociologique et économique. Ce dernier se concrétisait dans l'Ancien régime par le droit d'aubaine qui privait les descendants des ressortissants étrangers de tout droit d'héritage " afin que les biens du Royaume n'en soient pas distraits et ne passent pas aux sujets d'autres Princes " 3.
L'autonomie du citoyen suppose, chez Locke comme chez Rousseau, la liberté de rompre le contrat social en s'exilant et de se choisir une patrie d'adoption. Cette liberté d'exil, qui en corollaire logique comprend la liberté d'immigrer, ruine le concept juridique d'étranger dans la mesure où tout autochtone est à sa majorité libre de devenir étranger pour rejoindre librement un Etat démocratique. Dans un premier moment, la Révolution française tente de concrétiser cet universalisme : les Girondins incitent les peuples d'Europe à se soulever contre leur despote et à rallier la cause française tandis que les Jacobins considèrent les frontières comme les reliquats des barbaries théocratiques, rêvant d'une humanité réconciliée à elle-même au sein d'une République universelle. Mais la réalité géopolitique pris rapidement le dessus : confinée dans une seule nation, en butte à l'alliance réactionnaire des royaumes ligués contre la France, craignant la subversion du " parti de l'étranger ", la Révolution, devenue Terreur, redressa ses remparts frontaliers. En ventôse de l'an II (mars 1794), Saint-Just accuse les étrangers de l'intérieur d'organiser la contre-révolution et de pervertir le peuple français... emprisonnés, leurs biens confisqués, nombre d'étrangers subirent le couperet de Guillotin. Le code Napoléon, qui inspire largement le droit belge, en 1830, est d'apparence libérale, accordant les droits civils aux étrangers résidents ou ouvrant la possibilité d'une naturalisation, mais Gossiaux 4 remarque que sa discussion, au sein d'un corps législatif composé d'anciens Conventionnels et de robins de l'Ancien Régime, n'était pas sans âpreté : la philanthropie républicaine s'opposant au chauvinisme xénophobe qui voyait dans le commerce avec l'étranger " des germes de corruption et d'anarchie ".
L'idée de nation semble être inséparable de ce noyau dur de la xénophobie dans laquelle la mixité sociologique rime nécessairement avec la dissolution des valeurs et la corruption du régime. Les sociétés traditionnelles, patriarcales ou claniques, tentaient de pallier cette crainte par les rituels conjugués d'assimilation et d'exclusion où le cannibalisme avait sa place, et l'on peut supposer que les législations actuelles, si restrictives, concernant l'étranger et son statut, participent, inconsciemment, de cette mentalité magique : l'étranger ne pouvait voir son statut aboli qu'au prix d'une assimilation totale, renoncement définitif aux allégeances d'origine, sociales, familiale, culturelles, religieuses ou claniques, qui dans une société où l'allégeance politique se confond avec l'allégeance clanique ou patriarcale, représente une menace et une source d'instabilité. Le droit du sol n'échappe pas à ce déterminisme dans la mesure où il présuppose une identité " géocentrée " où le lieu de naissance définit le statut d'autochtone. La frontière devient un seuil permettant une sacralisation de l'espace territorial, la conquête est le marquage du sol, et l'identité nationale apparaît comme le résidu d'un lien chtonien avec la terre, conception caractéristique des sociétés rurales qui relègue dans l'illégitimité le nomade, suspect parce que déraciné. L'intégration à la nation est la consécration d'une série d'épreuve initiatique, d'une mort à soi même et d'une renaissance dans une condition supposée, d'un point de vue ethnocentrique, meilleure. Exiger du candidat à la naturalisation, ou d'exilé demandeur d'asile, qu'il passe sous les fourches caudines d'un examen discriminatoire évaluant sa capacité à s'intégrer, sa volonté de renier ses origines, et d'intérioriser les valeurs de la nation d'accueil présuppose, comme allant de soi, la supériorité de la culture d'accueil qu'il s'agit de préserver. Si la France révolutionnaire se montra accueillante, c'est parce que la supériorité de son contrat social lui permettait d'être magnanime : on s'attend comme naturel que les peuples opprimés du monde se pressent à ses portes pour y chercher asile et liberté. Mais toute république ne peut accueillir sans discrimination la " misère du monde " de sorte qu'à la générosité des périodes fastes succède la méfiance administrative, et la parcimonie des aides conjuguées aux mesures d'expulsion systématique.
La tension sociétale autour de l'idée nationale s'exacerbe à mesure des politiques migratoires ne considérant l'étranger que comme force de travail : prolétaire - produit générique du capitalisme mondialisé - réduit à la condition d'infra-citoyenneté et, au mieux, ramené à l'universalité d'une condition humaine faisant l'objet des sollicitudes des humanistes. L'image du prolétaire migrant nous renvoie, comme avers d'une mondialisation économique de la prospérité, au cosmopolitisme d'un pouvoir transnational qui se joue, à titre de princes nomades, des frontières mais là où le prolétaire n'est jamais chez lui, le néo-bourgeois cosmopolite se comporte en tout lieu comme chez soi. A vrai dire, la mondialisation économique transforme la terre en une méta-nation unique taillée à la mesure d'une caste plus farouchement attachée à ses privilèges aristocratiques que la noblesse de l'Ancien régime. Mais contrairement à ce que l'on peut croire, la mondialisation de la souveraineté capitaliste n'abolit pas l'idée nationale, elle s'en sert précisément pour asseoir son pouvoir sur le prolétariat en le divisant mais aussi comme soubassement idéologique d'une convergence des bourgeoisies nationales, de la moyenne bourgeoisie et des couches les plus intégrées du prolétariat vers la défense protectionniste des Etats dominants. Contrairement à l'illusion du discours néo-libéral, le protectionnisme reste de règle dans les échanges économiques tout particulièrement à l'égard des pays du Sud dont le pillage des ressources ne reçoit pas la contrepartie d'un échange commercial équitable.
La prolétarisation est en fait un déracinement, une migration contrainte engendré par la dépossession, le pillage, la déstructuration économique. Le prolétaire du 19e siècle est un migrant intérieur, un exilé économique, issu des campagnes démembrées pour gagner les zones urbaines industrialisées. Le capitalisme industriel n'a pu prospérer que grâce au déplacement massif de main d'œuvre, la mise à disposition d'une force de travail malléable, interchangeable, délibérément précarisée par le maintien d'un volant de chômage et par le refus des droits civiques. Si la lutte du prolétariat a pu s'appuyer sur le sentiment national pour, à la faveur d'un rapport de force politique favorable, modifier la donne socioéconomique en sa faveur, ce n'est qu'au prix de compromis historiques et d'une convergence objective entre les couches précarisées de la bourgeoisie et les couches intégrées du prolétariat. Devenu national, le socialisme adopte une position de repli et cherche à protéger les acquis nationaux plutôt que l'émancipation mondiale et, même si son discours adopte le ton de la revendication prolétarienne, il ne manquera pas de postposer l'émancipation des peuples colonisés en fonction du développement social et économique des métropoles. Après tout, la redistribution social-démocrate du surplus social ne fut possible, pour le capitalisme, que dans la mesure où il disposait sans limite des ressources et de la main d'oeuvre coloniale. L'afflux des migrants économiques, organisé et voulu délibérément par le monde patronal, pallie la crise suscitée par les émancipations coloniales et perpétue, dans nos frontières, la relation de semi-esclavage qui prédominait outre-mer. Le nationalisme, et son exacerbation xénophobe, qui articule habilement le rejet de l'exilé économique, la relégation sociale du prolétariat, et la critique petite-bourgeoisie de la " ploutocratie " cosmopolite (que l'on désigne aujourd'hui sous le vocable de " l'élite mondialisée ") permettra à la fois l'intégration du prolétariat social-démocratisé au capitalisme des Etats dominants et la marginalisation politique des prolétaires issus des pays sous-développés. Le processus ne se limite pas au centre traditionnel du capitalisme : Etats-Unis et pays industrialisés du Nord, mais s'étend à toute la planète en fonction de la délocalisation économique et du polycentrisme géopolitique qui caractérise le monde d'aujourd'hui.
Il est impossible de rendre compte de manière univoque la complexité des interrelations à la fois politiques, sociétales et économiques qui se jouent dans le monde. Il ne suffira pas, pour être quitte de la violence du monde d'opposer l'internationalisme prolétarien au cosmopolitisme des ploutocrates et l'on ne pourra espérer non plus que le nationalisme résolve dans le cocon territorial ou ethnique les contradictions complexes que le capitalisme génère, à la fois sur le plan interne et sur le plan externe. D'autre part, la structuration géopolitique en Etats engendre des disparités nouvelles, à l' échelle supranationale, tout en unifiant, dans un mouvement simultané d'universalisation et de particularisation, les peuples autour de leur classe dominante. Le terme de " statalisme " désigne précisément ces déterminations sociales et culturelles correspondant géographiquement aux divisions politiques nationales, masquant l'identité historique et sociologique des peuples et palliant les disparités internes entre régions, tentant de gérer, dans l'intérêt commun parfois, dans l'intérêt des groupes dominants le plus souvent, le multiculturalisme et/ou le multilinguisme. L'illusion nationale va de pair avec l'idéologie de la neutralité étatique dans laquelle l'Etat est supposer transcender les contradictions sociales dans la recherche du bien commun. La critique marxiste a depuis longtemps démasqué la raison d'Etat se confondant avec la rationalité économique, mais elle n'a pu résoudre concrètement le problème de l'encadrement national de la construction du socialisme.
L'universalisme de l'Etat prolétarien ne quittera pas le terrain théorique des discours de légitimation dès lors que l'intérêt du prolétariat, se confondant avec celui de son élite politique, est subordonné au devenir de la nation dont il fait partie. L'universalisme révolutionnaire fait place à la vassalisation des luttes prolétariennes dépendantes stratégiquement des sanctuaires nationaux supposés être les bastions ou l'avant-garde de la révolution mondiale. Par ailleurs, la fragmentation régionaliste de la nation n'est pas sans dissimuler les contradictions sociales et économiques et reproduit à une échelle réduite, les paradoxes du nationalisme. Ces micro-nationalismes, souvent dénoncés comme un particularisme subjectiviste, sont cependant symptomatiques de contradictions sociales géographiquement déterminées et surdéterminées par des antagonismes culturels. Les questions linguistiques, cristallisées en luttes pour la reconnaissance sociale, culturelle et politique des minorités linguistiques, ou en sécession régionalistes, s'exacerbent lorsque le déni culturel correspond à un rapport de domination économique. La reconnaissance identitaire sera supposée être le vecteur d'une reconnaissance politique et, par là, d'une autonomie économique. Cependant, même dans la perspective d'une autonomie régionale complète, les acteurs économiques rencontreront, à leur échelle, les obstacles que rencontrent les nations confrontées à la globalisation économique. Les nationalistes jacobins, qui se refusent à la fragmentation de leur nation, ont dès lors beau jeu de présenter les luttes identitaires et régionales pour la reconnaissance comme un élément stratégique de la déstructuration de l'Etat nation par la mondialisation, ce que semble confirmer la reconnaissance des autonomies régionales par des instances supranationales comme l'union européenne ; reconnaissance qui ne réduit en rien, cependant, la pesanteur bureaucratique et technocratique d'une gestion globalisante de l'espace européen, exercée par dessus les instances démocratiques nationales.
La nation se situe au coeur de la tension dialectique entre le particularisme et l'universalisme. Se posant comme facteur d'universalisation citoyenne, dans lequel chaque individu peut trouver la raison, affective, idéologique, politique, pour subordonner ses intérêts privés au bien commun, la nation agit souverainement parmi d'autres états, et se confronte à des forces sociopolitiques transnationales.
A la mondialisation capitaliste, Bihr cherche à opposer un contrepouvoir, populaire, syndical, politique, de caractère transnational. Il récuse l'idée que la nation seule pourrait être le cadre ou le lieu d'exercice de la souveraineté et d'acquisition d'une identité politique. Son argumentation se base sur le présupposé selon laquelle le nationalisme oblitère la conscience de classe sous une conscience ethnique. La nation est pour lui un objet " idéologique " et c'est la raison pour laquelle il estime que les tentatives de construire un nationalisme de gauche sont vouées à l'échec, aussi bien en raison du caractère quasi inéluctable de la " mondialisation " que du fait qu'elles aboutissent à terme à subordonner les intérêts du prolétariat, par essence " sans patrie ", à ceux de la nation et cela, au prix d'alliances politiques délétères, ce qui revient à - je reprends quasiment ses propres termes - à se faire pigeonner par l'extrême-droite, ou la droite nationaliste, qui " à l'enseigne de la nation ", ont tenu " boutique de manière florissante ".
A l'idée que la gauche pourrait opposer une version non ethnique du nationalisme, Bihr répond que le concept de nation est la résultante dialectique de deux moments unilatéralement séparés et hypostasiés : la nation est pour lui " dans le cadre géopolitique structuré par les rapports capitalistes de production, un peuple qui se fait Etat ou, à l'inverse, un Etat qui se fait peuple " (Bihr, o.c., p. 184). La réalité nationale englobe à la fois un moment ethnique (le peuple se prenant conscience de lui comme peuple) et un moment politique (la formation du contrat social). Même si l'on admet que la conscience nationale est le fruit d'une construction historique de l'unité politique, elle mobilise quand même de manière fantasmatique et idéologique, le sentiment d'appartenance à une " communauté de destin " se forgeant une mythologie du sol et du sang.
Ce que les divers codes régissant la nationalité et le statut de l'étranger expriment en subordonnant la citoyenneté à la nationalité et en liant cette dernière soit à l'autochtonie (le droit du sol), soit à l'ethnicité et la filiation (droit du sang). L'intégration républicaine elle-même paraît, 5 régie par la préférence nationale. On pourra remarquer en passant que le même constat peut être fait de la politique belge de l'immigration appliquant un code de nationalité historiquement inspirée du code Napoléon 6.
Bihr critique aussi l'idée que le nationalisme républicain est nécessaire pour conserver les acquis sociaux et politique de la république, acquis menacés par la dissolution de l'Etat providence dans le cadre mondial ou européen. Pour lui l'argument pèche par la confusion entre "la forme nationale" et son "contenu politique et social" (p. 186) subordonnant le contenu à la forme et récuse le postulat que "la nation est la seule forme de communauté politique possible". Il relève la double crise de la citoyenneté - l'exclusion sociale et politique de l'étranger en est le symptôme le plus visible - et de la laïcité mais aussi l'impossibilité stratégique de contrer les effets sociaux du libéralisme mondialisé dans le cadre national. La régulation du capital, et l'adoption de programmes sociaux et de redistribution des richesses, ne peut être, pour lui, le fait que de "systèmes d'Etats". Il est à relever que Bihr reste tout à fait conscient que l'Union européenne est une "machine de guerre néo-libérale" , mais il estime que c'est sur ce terrain, et non sur celui d'un repli nationaliste, qu'il faut combattre. Cette perspective s'offrirait naturellement à la social-démocratie si elle n'avait pas rompu depuis longtemps avec tout projet anticapitaliste. De sorte qu'il convient de ne plus s'illusionner sur la volonté de la gauche réformiste, aujourd'hui pleinement acquise à la logique de la mondialisation capitaliste. Ce qui amène Bihr à s'intéresser plutôt à une gauche révolutionnaire impulsant les luttes des travailleurs dans un cadre transnational. La nation " d'euthanasie des nations " repose sur un pronostic fatal (qui peut être contestée éventuellement) sur le devenir des nations. Il s'agira de lui assurer une "bonne mort" faute de laquelle elle périra compulsivement dans l'exacerbation des revendications ethniques, de la fragmentation régionaliste, et des nationalismes rivaux. Pour y répondre, il importe de mesurer l'ampleur du défi que représentent la trans-nationalisation des enjeux et des pouvoirs, la fracture sociale provoquée par les exclusions, l'impérialisme culturel des sociétés dominantes, et la crise du sens et de la représentation symboliques de la démocratie.
Bihr ne propose que quelques (trop) vagues pistes qu'il faut défricher
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Sur le plan social, il préconise une réduction générale et massive du temps de travail, financé par une redistribution vaste des revenus. Mais ces perspectives, qu'il met en oeuvre dans l'espace étatique national à partir d'un mouvement de participation sociale générée à l'échelle infra-nationale, celle des localités et des régions, ne peuvent se concrétiser et être garanties que dans le cadre de système d'Etats coopérant au contrôle et à la régulation de l'activité économique mondiale.
La crise du sens serait dépassée par la re-dynamisation des liens sociaux induite par la participation sociale et l'extension des liens de solidarité que le développement des formes de démocratie directe, civile et autogestionnaire, permettrait. Ce parachèvement autogestionnaire de la démocratie s'effectuerait à la fois au-delà, et en-deçà du cadre de l'Etat nation.
1 Alain Bihr, Le crépuscule des Etats-nations : transnationalisation et crispations nationalistes. Lausanne, Page deux, 2000. - coll. Cahiers Libres
2 A. Bihr, o.c., p. 71
3 J. Domat, " les lois civiles dans leur ordre naturel, le droit public et Legum Delectus ", Paris, Nyon aîné, 1777, cité par Pol-Pierre Gossiaux, Etrangers, de l'ordre du sang à celui de la raison, in Réseaux , n°87-88-89, 1999, p.134
4 P.-P. Gossiaux, Etrangers, de l'ordre du sang à celui de la raison, in Réseaux , n°87-88-89, 1999, p. 140
5 Bihr cite à ce propos Vincent Viet, "la France immigrée, construction d'une politique 1917-1997, éd. Fayard.
6 P.-P. Gossiaux, in "Etrangers de l'ordre du sang à celui de la raison", Réseaux 85-87, 1999, p. 129
7 Bihr, o. c., p. 196